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La Novlangue de la Securitate Sociale

Ceux qui ont lu "1984" de George Orwell savent comment l'utilisation du vocabulaire, et la manipulation du sens des mots permettent de diffuser l'oppression, de distiller le suc totalitaire afin de maintenir la terreur nécessaire à l'asservissement. Cela s'appelle dans le livre d'Orwell la Novlangue. Ainsi par le miracle de la Novlangue propagande se dit vérité, esclavage se dit liberté, chômage se dit travail, guerre se dit paix etc. "Arbeit macht frei", lisaient à l'entrée d'Auschwitz ceux qui n'allaient jamais en sortir. Novlangue.

Eh bien les aminches, j'ai pu découvrir que notre sécurité sociale s'essaye non sans quelque efficacité à la pratique de la Novlangue avec le relais complice de leurs agents de terrains, j'ai nommé les medcons (traduction novlangue de contrôleurs médicaux), où dans cet univers "désaccord" veut dire "accord".

Voilà l'histoire.

Par une belle journée de consultations banales s'il en est, je reçois en mon humble cabinet ce patient, que je ne connaissais précédemment ni des lèvres ni des dents, qui vient me faire part de sa souffrance, qualifiée de douleur.

Chauffeur de car de son état sur les routes départementales défoncées d'un département rural laissé à l'abandon par son Conseil Général préoccupé essentiellement de maintenir ses prébendes politico-syndicales, notre homme souffre de sciatique. Le diagnostic n'est pas compliqué, dans la mesure où l'intéressé lui-même avance le diagnostic, qu'il prétend avoir déjà ressenti dans sa chair à une date antérieure, à l'inverse de sa présente douleur ressentie comme postérieure, elle. L'examen clinique, appliqué comme vous l'imaginez, me permet d'écrire en une calligraphie médicale dans son dossier du même nom : Lasègue gauche : 30°, Lasègue droit : 40°. L'homme déguste donc.

Le traitement s'impose. Une vie est à sauver. Bardé des nécessaires antalgiques, ma longue expérience de la prise en charge globale me faisant intégrer, par un réflexe quasi pavlovien la dimension environnementale dans la décision médicale, m'amène proposer un arrêt de travail au douloureux impétrant. Une satisfaction béate se dessine alors sur son visage, puisqu'il m'expliquait souffrir depuis plusieurs jours le martyr sur le fauteuil défoncé du car déglingué que lui confie son employeur, qui roule en Porsche Cayenne lui.

C'est donc pénétré à mon tour de la non moins béate satisfaction d'avoir répondu de manière adaptée à la demande du patient, qu'après avoir trempé ma plume d'oie dans l'encrier, je remplis en tirant la langue le formulaire idoine et en trois exemplaires sensé lui accorder le strict repos nécessaire pour lui permettre de reprendre, rétabli, le volant de la mission véhiculaire dont il est investi auprès de citoyens voyageurs qui ressentent pour des raisons qui ne regardent qu'eux le besoin d'être déplacés.

Neuf jours d'arrêt, c'est pas du vol mon bon monsieur et si ça va pas mieux à la fin n'hésitez pas à me revoir. Si tout va bien vous reprendrez le 27 avril. La date a son importance, vous l'allez constater.

Je ne le revis point ce brave assujetti social. Mais j'eus de ces nouvelles par le truchement de ce courrier déposé avec empressement par le préposé des postes dans le casier ferré qui me tient lieu de boîte à lettres.

"Service Médical de la Meurthe-et-Garonne - confidentiel médical" s'affiche en entête de la présente enveloppe sur laquelle s'inscrit également en une calligraphie douteuse mais non moins administrative mon nom titré et l'adresse de mon cabinet. Pas de doute, c'est pour ma pomme.

Je ne sais pas pour vous, mais même après vingt ans de pratique médicale irréprochable fondée sur les données de la science et dans les normes d'une rigueur éthique que d'aucuns qualifient de rigide, l'intrusion dans votre boîte aux lettres d'une missive sécuritaire sociale non attendue et dont vous ne pouvez pas avoir immédiatement à sa présentation une idée précise du contenu, déclenche immédiatement ce petit battement cardiaque, que mes études médicales pourtant peu attentives sur cette question physiologique permettent de rapporter à une libération de catécholamines.

Bref. Y a stress.

"Kesskimmveulencorecékons ?" est la formule habituellement orale qui exprime le mieux ce stress chez moi, et qui s'ensuit assez rapidement de l'ouverture de la dite enveloppe et de l'extraction de la feuille qui s'y trouve enserrée, afin de procéder à la lecture du dit parchemin.

Je vous laisse en découvrir le contenu, dont j'ai bien évidemment fait disparaître tout signe permettant d'en identifier les acteurs.

Vous lisez bien : "Désaccord cencernant la prescription d'arrêt de travail pour votre patient(e)". Ma consoeure et néanmoins médecin conseil de la caisse primitive d'assurance maladie de Châtillon-sur-Prézeure, riante préfecture de Meurthe-et-Garonne, m'exprime donc son désaccord administratif et confraternel.

Ainsi donc j'aurais failli. Pour la première fois.

Se bousculent alors au milieu de mes neurones sidérés les échos des procès inquisitoriaux que rapportent des syndicats médicaux aussi corporatistes que mauvais français, voire anti-gouvernementaux si ça se trouve, qui prétendent défendre indument les intérêts de crapules qui se trouvent légitimement traînés devant les commissions sécuritaires sociales et arbitraires pour répondre de leurs ignominies. Serais je ravalé au rang de ces infamies de la médecine ?

Je lève les yeux et aperçois alors une des poutres qui étayent le plafond de mon cabinet et j'y imagine l'espace d'un fugace instant une corde terminée par un noeud coulant en train de s'y balancer mollement, tandis que je place à sa verticale le marche-pied de ma table d'examens que je repousserai ensuite brutalement après l'avoir gravi et passé autour de mon cou le noeud de la corde suscitée.

Mais non ! il y a peut être encore un espoir. On ne balaie pas ainsi 20 années d'intégrité médicale. Il faut se battre. Et je me lance, ma main gauche tentant vainement d'apaiser le tremblement de ma main droite qui tient la lettre d'infamie, dans la lecture de la missive.

"Suite à l'examen de votre patient(e) Monsieur XXX le 23/04/2009 dans le cadre d'une prescription d'arrêt de travail, je vous informe que j'ai émis un avis défavorable d'ordre médical à compter du 27/04/2009 pour la raison suivante :

Apte à reprendre une activité professionnelle.

La Caisse d'Assurance Maladie notifiera cette décision à votre patient(e), qui pourra en cas de désaccord, contester cet avis selon les voies de recours réglementaires qui lui seront indiquées.


Je reste à votre disposition et vous prie de croire, Cher Confrère, à l'assurance de mes meilleures salutations.


Docteur YYY

Praticien Conseil
"

Encore sous le choc, titubant, je me traîne jusqu'au fichier médical (mort aux dossiers électroniques !) pour y extraire la fiche du patient, et reprendre l'observation suspecte qui me vaut le désaccord de ma pourtant bienveillante tutelle. J'y découvre que le patient semblait souffrir etc., je vous refais pas le baratin du début, et que l'arrêt de travail incriminé s'arrête au 26 avril 2009 et que le patient devrait reprendre son labeur le 27 avril, date précise de rentrée en vigueur du confraternel désaccord sécuritaire.

Aaah, aaah !!, m'exclamé-je in petto, il y a donc matière à rentrer en dialogue confraternel pour comprendre les motifs de ce désaccord et, de nouveau, le petit battement de coeur qui signe la libération de catécholamines etc.

Y a stress. Encore. Mais surtout y a maintenant motif à faire chier les cons, et là le battement de coeur se complète généralement d'un léger afflux sanguin par les artères honteuses jusqu'à mon corps caverneux, tel celui de Cro-Magnon.

Je m'apprête donc à décrocher mon téléphone pour composer le numéro du contact SM indiquée en haut de la lettre. Contact SM. Eh oui ! Ils l'auraient fait exprès ils auraient pas fait mieux. Il doit s'agir d'un contact très particulier, une ligne hot, surtaxée. Ca promet d'être torride.

Auparavant, l'altruisme débridé dont vous savez maintenant que je suis affublé, m'aura instinctivement fait penser à ce pauvre assujetti social qui, tel Sam Lowry, le héros du film Brazil de Terry Gilliam, se voit chargé de la missive informant de la déviance sociale d'Archibald Tuttle chauffagiste. Lui et son médecin complice d'un jour plongés dans la même opprobre de la boue concupiscente d'une tentative de pwofitassion de l'argent public, pour gagner plus tout en travaillant moins. Crime de lèse-sarkozysme, s'il en est.

Non, cela ne peut pas être. Il faut réagir

Entretien avec le SM (service médical)
C'est donc moralement vêtu de la panoplie de Zorro médical que je compose le numéro de téléphone du Contact SM suscité, tout en prenant soin de respecter les heures de disponibilité des agents : 10 h 30 - 11 h00 et 15 h 30 - 16 h 00 du mardi au vendredi sauf le mercredi toute la journée et le vendredi après -midi.
A l'issue des 15 sonneries règlementaires, la voix qui me répond semble assez peu correspondre à ce que j'imagine être une voix de contact SM au numéro surtaxé. Il s'agirait donc davantage de sévice médical que de sado-masochisme. Quoique.

- Le Dr Machin est en entretien confraternel justement avec un de vos confrères, me répond la voix. Je ne peux donc la déranger. Elle peut vous rappeler ?"

- Bien sûr, répondis-je, je suis à mon cabinet au moins jusqu'à 19 heures
, ajouté-je fielleusement.

Mais en même temps, intérieurement, je n'en menais pas large, car surgissait alors à mon esprit les images de l'entretien confraternel dont au sujet duquel l'agente de la SS faisait allusion. Le confrère en train d'être entretenu (s'agissait-il d'un entretien ordinaire avec simples brodequins et pesons testiculaires, ou d'un entretien extraordinaire, avec fer rouge et pal ? Je ne le saurai pas) l'était-il suite à une missive comme celle dont j'avais été le destinataire ? Avait-il, lui aussi, tout comme moi, été l'objet d'un désaccord sécuritaire et confraternel ? Je frémissai.

Je vous épargne la façon dont se sont déroulées mes consultations de l'après-midi en attendant le rappel de la consoeur. J'expédiai de la façon la plus vive ceux qui se présentaient comme des malades, mais qui n'étaient en fait que des simulateurs, profiteurs, abuseurs irresponsables. Le gouvernement et l'UMP ont bien raison. C'est juste une question de regard. Vus avec les yeux des puissants tous les faibles deviennent coupables, naturellement.

Puis vient le coup de fil du medcon. 17 h 15. Plus de deux heures après mon appel ! L'entretien confraternel devait donc être du genre extraordinaire. Je faillis demander où je pouvais récupérer les restes du confrère entretenu. Mais blague à part.

- Bonjour, merci de me rappeler. Je vous ai contacté à propos du courrier de désaccord avec ma prescription d'arrêt de travail que j'ai reçu de votre part concernant Monsieur XXX. que j'avais vu à ma consultation pour une sciatique...

- Il ne s'agit pas d'un désaccord mais d'un avis défavorable.

- Il me semble que l'objet de votre lettre s'intitule : "désaccord". Je disais donc que le sujet de votre lettre m'a mis mal à l'aise, puisqu'en près de 20 ans d'exercice c'est la première fois que la sécu m'exprime son désaccord sur une de mes décisions médicales. Et que l'on entend tout de suite derrière ce mot de désaccord ou d'avis défavorable d'ordre médical le fait que l'on pourrait être soupçonné de la rédaction d'un arrêt de travail de complaisance.
Sans compter ce que ressent le patient qui reçoit ce courrier.
Je vous précise que ce patient avait un Lasègue bilatéral à 30 et à 40 ° lorsque je l'ai vu, il était absolument en incapacité de travailler d'autant plus qu'il est chauffeur de car.


- Ah oui, il était donc bien malade, s'étonne le medcon.
Je comprends bien ce que ce courrier peut avoir d'inquiétant dans sa formulation mais ce n'est pas cela du tout. j'ai reçu ce patient le 23 avril dernier, soit 6 jours après que vous l'ayez vu, il allait beaucoup mieux, il le reconnaissait lui-même et il se disait prêt à reprendre son travail le 27 avril comme prévu. j'ai donc émis un avis défavorable à ce que son arrêt de travail ne s'arrête pas le 26.


- Donc si je comprends bien, le patient était prêt pour reprendre le travail comme prévu. De mon coté, j'apprends que l'arrêt de travail lui a été bénéfique. Vous, de votre coté, vous constatez qu'il pourra reprendre son travail effectivement le 27, comme prévu. Bref, nous sommes tous d'accord, vous, le patient et moi, et cela s'exprime par un courrier négatif de désaccord de votre part laissant entendre que le patient et son médecin auraient abusé.
Est ce qu'il n'y a pas un problème là ?


- Oui, oui, je comprends bien, mais nous sommes tenus de faire ce courrier.

- Et qu'est ce qui vous empêche de le formuler positivement plutôt que de façon culpabilisante, dans la mesure où tous les acteurs sont d'accord pour faire le même constat, comme vous l'écrivez vous-même : "apte à reprendre une activité professionnelle" à la fin de son arrêt de travail ?

L'Ordinateur Central de la Sécu
- Mais ce sont des lettres types qui sont formatées de cette façon dans notre logiciel et que nous ne pouvons pas modifier. Seules les parties que vous voyez en gras sont modifiables de notre propre initiative.

Je laisse passer le silence consterné qui convient puis j'ose :

- Puis je vous poser la question qui me vient à l'esprit et que je résume sous la forme d'une caricature : cela signifie-t-il que vous auriez des quotas d'avis défavorable et de désaccord à rendre à vos supérieurs ? Comme la police qui doit réaliser un minimum de gardes à vue et de contraventions pour montrer qu'elle lutte contre la délinquance ?

- On ne peut pas dire ça comme ça...

- C'est bien pour cela que je parle de caricature.

- Mais nous avons des consignes pour contrôler les arrêts maladie de courte durée.

- Je l'avais compris.

- Et ces lettres types nous sont fournies directement dans le cadre de ces campagnes.

- Très bien. Et pour répondre à l'inquiétude du patient, qui n'aura lui sûrement pas la possibilité de vous poser ces questions et d'accéder à ces informations, que dois-je lui répondre si, par exemple, sa sciatique récidive, et qu'il doit bénéficier d'un nouvel arrêt pour la même raison. Aura-t-il le droit d'être de nouveau en arrêt pour ce motif ?

- Oui, bien sûr, évidemment.

- Merci pour lui. Vous comprenez que son inquiétude puisse être légitime en recevant de tels courriers et qu'il puisse être amené à s'interroger sur son droit à être de nouveau malade sur ce problème particulier.

- Oui, je comprends. Ca peut-être inquiétant, évidemment.

- Et vous en tant que médecin, vous n'avez pas la possibilité de faire remonter aux responsables rédacteurs de ce type de courrier le risque qu'il y a pour les relations entre prescripteurs, assurés sociaux et sécu d'être dans une communication négative et suspicieuse, alors que tout le monde est en fait d'accord ?

- Non, je ne peux rien faire. Nos logiciels sont programmés ainsi.

- Eh bien moi si vous le permettez je vais faire remonter cette information avec mes faibles moyens.

Vous allez encore me dire que j'exagère, chers lecteurs du carnet de Julien Bezolles, et que c'est peu de choses, mais franchement ça me fait froid dans le dos que les technocrates de la sécu élaborent délibérément, sans possibilité qui plus est d'y sursoir de la part de l'agent exécuteur qu'est le medcon, cette forme de communication permettant de maintenir l'oppression.

J'imagine, pour ma part aisément, la propagande dont saura se saisir la sécu, sa direction et son Miniver (le ministère de la Vérité de George Orwell ) pour expliquer, chiffres à l'appui, que lors de sa campagne de contrôle des arrêts de travail de courte durée, les échelons locaux auront émis 80 % de désaccords et d'avis défavorables. Ce qui démontrera à quels points les assurés et les médecins généralistes creusent le trou de la sécu de façon irresponsable, et permettre à l'industrie pharmaceutique de continuer à le faire vraiment, elle. Et de prévoir la mise en place de nouvelles sanctions ou mesures de responsabilisation : une franchise sur les arrêts de travail, pourquoi pas ?

Notification d'avis défavorable à un assujetti social
Ainsi je témoigne par le petit bout de la lorgnette du terrain de la mise en place des outils totalitaires par les bureaucrates d'une structure qui a été créée autrefois pour le service de la population. Et comme d'habitude, les relais complices et complaisants sont là pour dire : "Ah ben, moi, j'obéis aux ordres, hein, je fais ce qu'on me dit."

J'arrête là, parce qu'il y a tout d'un coup trop de colère qui me prend et il faut que j'aille souffler un peu.

A bientôt.

Commentaires

  1. Je lis ce que vous écrivez, je n'en suis hélas pas étonnée, et je pense à ça :
    Même pas en retard à mon rendez-vous chez le médecin du travail.
    Elle : Et... vous êtes venue me voir pour quoi exactement ?
    Moi : C’est vous qui m’avez demandé de vous rencontrer à ma sortie de clinique.
    Elle : Ah... Et qu’est-ce que vous voudriez savoir ?
    Moi : Je voudrais savoir comment ça se passe pour les mutations.
    Elle : Vous ne voulez pas retourner dans votre collège, c’est bien cela.
    Moi : On peut dire ça comme ça.
    Elle : Bien. Pour les mutations, il vous faut donc faire une demande et participer au mouvement sachant que vous avez très peu de chances d’obtenir un poste étant donnée la conjoncture actuelle.
    Moi : Il y a une autre possibilité ? J’ai entendu parler de mutation prioritaire sur dossier médical...
    Elle : Jusqu’à l’an dernier, on le pouvait encore. Mais c’est fini maintenant. Si vous voulez passer en priorité et avoir une chance de muter, il faut faire une demande pour être reconnue travailleur handicapé. Cela ne changera rien, vous ferez le même nombre d’heures, pas d’aménagement spécial, même salaire. Pendant cinq ans minimum.
    Moi : Comment ? Mais... je ne suis pas handicapée, c’est complètement absurde.
    Elle : Je sais, on se marche sur la tête... Je vais vous le dire franchement, je ne suis pas pour ce système mais il faut bien faire avec. Si vous voulez muter, il faudra faire cette demande, je ne peux rien vous proposer d’autre.
    Moi : Dites-moi que je rêve... ça n’a aucun sens... Ce bahut m’a minée, je ne suis plus capable d’y enseigner et pour aller ailleurs exercer mon métier dans des conditions correctes il faut que j’accepte de mettre sur mon dos pendant cinq ans l’étiquette d’handicapée?
    Elle : Oui. Je n’y peux rien. C’est comme ça. C’est depuis que les services publics ont obligation d’embaucher au moins 6 pour 100 de travailleurs handicapés. Plutôt que de payer des taxes, l’Education nationale a préféré faire passer travailleurs handicapés tous ceux qui faisaient une demande de dossier médical. Ils ont élargi la notion de handicap pour pouvoir faire entrer dans ce système un maximum de monde.
    Moi : C’est complètement idiot. Ce n’est pas que je considère qu’il soit honteux d’être un travailleur handicapé mais je ne suis pas handicapée, en acceptant j’aurais l’impression de cautionner un système complètement absurde. Je serais donc une sorte d’handicapée mentale...
    Elle : ...
    Moi : Et j’ai combien de temps pour me décider ?
    Elle : Quelques jours...
    Moi : Qu’est-ce que vous me conseillez ?
    Elle : Je comprends bien que vous vouliez refuser pour des raisons morales, mais vous devez avoir à l’esprit que vous n’avez guère d’autre choix. Si vous ne passez pas en priorité, vous avez toutes les chances de rester dans votre établissement. Si vous refusez cette qualification de travailleur handicapé, il reste encore la possibilité à la rentrée de prolonger votre arrêt maladie pour un an ou deux.... Il faudra voir à nouveau un expert, voire plusieurs et...
    Moi : Ce qui me rend malade, c’est les conditions dans lesquelles j’exerce mon travail, ça ne veut pas dire que je ne veux pas enseigner, j’aime mon métier...
    Elle : Vous aviez des problèmes avec vos classes ? J’ai entendu dire que c’est un collège difficile.
    Moi : Non. Je m’entendais bien avec ces gosses, ça se passait bien. Mais je ne supporte plus de faire du baby-sitting à longueur de journée et d’assister impuissante à cette vaste entreprise de décervellement... Si vous saviez ce que je pense de l’égalité des chances... Je suis désolée, je n’arrive pas à parler de ça...
    Elle : J’ai lu dans votre dossier que vous étiez victime de stress post traumatique.
    Moi : On peut dire ça comme ça...
    Elle : Vous avez l’air bien cependant...
    Moi : J’ai l’habitude de faire semblant, je suis prof...

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  2. Merci de ce témoignage Tiphaine.
    Il mériterait mieux qu'être en commentaire de blog.
    Vous l'avez publié ailleurs ?

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  3. Merci, je l'ai publié sur mon bolg en mars dans un article plus long encore et sans doute fastidieux à lire pour qui n'aime pas les élucubrations d'une patiente plus très patiente, il semblerait que je ne sois pas toujours au mieux avec le milieu médical, j'aurais pu en faire une rubrique, j'ai préféré la dose homéopathique !;-)

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  4. Ahhh, l'administration !
    Dans notre hôpital, qui gère des patients cancéreux, on découvre les arcanes sadiques de certains fonctionnaires... Certaines caisses demandent aux patients de fournir un "certificat de passage" en plus de leur bulletin d'hospitalisation ou de leur convocation en consultation pour pouvoir justifier de la prescription de transport...prescrite par un médecin et justifiée. Moi, j'ai toujours trouvé que l'hôpital était mieux qu'Eurodisney !

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  5. Julien Bezolle, je t'adore. J'ai déjà émis mes opinions sur un de tes posts sur le sujet.
    Ce courrier est d'est une absurdié totale pour le médecin comme pour le patient, il n'a pas lieu d'être sauf s'il rentre dans des statistiques quelconques, qui seront érronées bien sûr mais dans un but quelconque. Peut être par ces statistiques veut t'on culpabiliser tout le monde, médecins et patients pour justifier le trou de la sécu qui n'existe que par l'incompétence et la corruption de nos gouvernants qui s'en mettent plein les poches et qui veulent la détruire. A côté de cela on forme des petits soldats en utilisant des moyens dégueulasses et ceux qui ont compris sont mis au trou et je pense que pas mal de boulots sont touchés par cette gangrène.
    Tu n'envoies pas la lettre au toubib et à l'asuré, t'es considéré comme réfractaire et dangereux, tu passes à la "question" et ensuite "au trou" quand tu invoques tes raisons. Perso quand on commence à mettre beaucoup d'énergie à comptabiliser des bâtons, ça sent mauvais, il en va de notre liberté, un train peut en cacher un autre. Beaucoup on oublié qu'il y a eu des camps de la mort bien planqués grâce aux moutons dociles que l'être humain est capable de devenir parce qu'on l'a décérébré doucement et sûrement avant en utilisant l'appât du gain et du pouvoir.

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  6. PREMONITION ;
    chiffre officiel dans les médias.
    11 % des arrêts de courte durée (moins de 45 jours) seraient injustifiés pour 2008. En fait c'est le taux d'avis defavorable des médecins Cons... ayant effectué des controles.

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  7. Oui, merci anonyme. J'en étais sûr que ces contrôles bidonnés n'étaient là que pour nourrir une nouvelle action de propagande de la sécu pour couvrir son comportement. je viens de faire un post colérique sur le sujet.

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  8. C'est plus que désolant !!
    mais si le combat syndical fratricide pouvait enfin cesser !! et que la profession puisse mener une action conjointe, comme à boulogne !!!!
    Enfin, ne rêvons pas, nos dirigeants syndicaux nationaux préfère défendre leur siège que les médecins de base dont je suis

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  9. Même mésaventue avec CPAM Douai avec un désaccord sur un arrêt qui se terminait en féruer : désaccord avec votre arrêt et reprise pour mi avril!!!

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  10. "Ah ben, moi, j'obéis aux ordres, hein, je fais ce qu'on me dit."

    Obéir... oui, mais jusqu'à quel voltage ? 450 V ? ;-)

    Cf. Expérience de Milgram
    http://fr.wikipedia.org/wiki/Exp%C3%A9rience_de_Milgram

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  11. bonjour,
    Je viens de lire les propos tenus par ce Médecin, il est évident que sa compétence n'est pas remise en cause mais certains médecins , en voulant rester honnête jusqu'au bout, font des arrêts de travail de complaisance.
    J'ai travaillé pendant 30 ans à la sécu et je n'ai pas été toujours bien fière d'avoir à téléphoner à un médecin suite à un différent pour un arrêt de travail, les employés je vous assure ne sont pour rien à la pratique de ces méthodes pour les fameuses stats hebdos mais nos logiciels comme vous devez vous en doutez sont faits par des informaticiens dela CNAM sous haute surveillance de nos ministres santé et travail et ils ne nous laissent surtout pas la main pour pouvoir modifier toutes ces lettres types et j'en suis bien désolée pour tous ceux qui reçoivent de tels lettres.
    Mme Line RAFINS de MAULEON-79-

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  12. Julien Bezolles20 juin 2009 à 07:34

    Oui, je comprends, Line.
    Vous ne faisiez qu'obéir aux ordres et faire ce qui vous était demandé. Bien sûr vous regrettez que les personnes aient reçu les courriers que vous étiez obligée d'envoyer, et puis les turpitudes des médecins généralistes ne permettent elles pas d'excuser celles de la sécu ?
    On comprend bien tout cela, Line.
    Les employés ne peuvent rien, et les autres font la même chose, voire pire.
    Postulez au Miniver, Line.

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  13. David Ménard, MG 1423 juin 2009 à 15:49

    On a le droit de "résister" de l'intérieur, Line...rien ne vous oblige à envoyer ces courriers, par ailleurs fort onéreux pour la sécu. Tiens une idée pour faire des économies : supprimer les D.A.M., non ?
    ;-)))

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  14. Je suis d'accord avec Mr. MENARD, effectivement, perso, je résiste, je zappe la lettre, oups! je perds la mémoire, je vieillis, j'ai juste oublié et puis je suis au trou, quelle affaire, mais malheureusement on se sent vachement seule dans un tel combat avec si peu de soutien du reste des agents. Quand des ordres sont insensés, je refuse de me plier et je paie mais tant pis.

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  15. Témoignage tout à fait percutant (attention aux accidents de blogs...) sur ce que devient peu à peu la Sécu : une machine destinée à débusquer ceux qui agravent son "trou" - elle le montre d'une façon obscène.

    Quand toutes les mutuelles et assurances privées l'auront remplacée, ceux qui ont voté pour Sarkozy (son obsession du chiffre, même un psychanalyste débutant la débusquerait illico) lèveront les bras au ciel en disant : "Pourtant, il s'est réclamé, à Versailles, du programme du Conseil National de la Résitance !"

    Eh oui, le service public (comme bientôt à la Poste) est bradé dans le même temps où le plus haut personnage de l'Etat se revendique de grands ancêtres tels Jaurès, Blum, Jean Moulin, et ce, sans complexe aucun.

    Le dénommé Lefevbre a d'ailleurs récidivé sur le travail nécessaire en cas d'arrêt pour maladie ! Espérons qu'il n'attrape pas un jour la grippe porcine, il continuerait à sévir...

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  16. sur mon blog, en date du 07/07/09
    www.enattendantH5N1.20minutes-blogs.fr
    suite à cet article de Julien Bezolles, un technicien du contrôle administratif révèle la manière dont les médecins contrôleurs de la Securitate Sociale ont, pour beaucoup d'entre eux, intériorisé les consignes de leur Directeur: "sauvez la sécu" quitte à fonctionner comme la pire des officines privées...
    dr Christian Lehmann

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  17. Bonjour Julien,

    Avez-vous entendu les émissions de la bas si j'y suis des 22 et 23 octobre ?
    http://www.la-bas.org/article.php3?id_article=1768

    Je trouve qu'un message sur votre mésaventure serait très bien venu.

    01 56 40 37 37

    Amicalement
    Philippe

    RépondreSupprimer
  18. un petit clin d'oeil à cet article :
    nursejittai.over-blog.com
    en regard à cet article désopilant à lire et à la fois terrifiant

    Bonne continuation !

    RépondreSupprimer
  19. Très bon post, je reçois régulièrement ce genre de courrier, en général pour des patients de mes confrères dans le même cabinet que j'ai vus 1 fois 3 mois auparavant... Navrant...
    Sinon, faites attention, docteur, votre nom est un peu apparent sur le courrier et j'ai pu le lire!

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Je vous l'avais bien dit que l'expérience que je vous racontais sur l'avis de travail défavorable du médecin conseil alors qu'il était d'accord, cachait une opération de communication et de propagande et de culpabilisation des assurés et des professionnels. Aujourd'hui, le journal "La Tribune" est trop content de faire ses choux gras sur les soi-disant arrêts de travail de courte durée injustifiés révélés par une enquête de la sécu . Le témoignage que j'ai rapporté sur ce patient victime de cette politique sociale sécuritaire montre à quel point les médecins conseil ont reçu ordre, avec des lettres type qu'ils ne pouvaient quasiment pas modifier, de fournir des données bidonnées pour que les responsables de sécu continuent à culpabiliser et à désinformer. Ceux qui visionneront ce mardi 9 juin 2009 les Médicamenteurs sur France 5 à 20 h 35 ou sa rediffusion dimanche 21 juin à 21 h 30 sur la même chaîne comprendront où se trouve le vraie défic

APHORISMES COVIDIENS

5 avril 1 "Les périodes de péril mettent les âmes à nu" (email d'Irène Frachon reçu le 13 mars 2020, alors que nous échangions sur l'arrivée de l'épidémie) 2 Quand on voit  le nombre de médecins qui révèlent sur les réseaux sociaux des compétences exceptionnelles pour analyser avec précision l'information scientifique, y compris pour des études pour lesquelles une seule lecture suffit à se rendre compte de la faiblesse, on ose espérer que, forts de cette expertise, ils n'ont jamais prescrit ou conseillé (liste non exhaustive) : - de mammographie pour le dépistage du cancer du sein, - de PSA pour le dépistage du cancer de la prostate, - de médicaments antialzheimers, - de vaccin antigrippal pour réduire la mortalité chez les vieux, - de statines en prévention primaire, - de glitazones et apparentés pour le diabète, - la plupart des antidépresseurs IRS, qui n'ont pas démontré d'efficacité supérieure au placebo, - plus de deux neuro

Aphorismes covidiens (2)

13 avril 25 On doit garder en mémoire que l'ensemble des administrations et bureaucraties sanitaires actuelles (ARH en 1996, puis ARS en 2010, direction hospitalière depuis 2005, sécurité sociale façon AXA de van Roekeghem, etc.) n'ont été mises en place, avec les directions appropriées, que pour instaurer et organiser une gestion néolibérale du système de santé : productivité, rationnement, ouverture au privé, "responsabilisation", culpabilisation et contrôle des usagers et des soignants, etc. Attendre de ces structures, simples effectrices des consignes ultralibérales de l'oligarchie, une action efficace et dans l'intérêt général pour la gestion d'une telle pandémie relève de la pure naïveté, pour rester dans l'euphémisme. David Graeber, encore lui, le rappelle et le démontre dans "Bureaucratie" . La bureaucratie soviétique n'était qu'un amusement à coté de la néolibérale. 26 Partout où les pires drames auront pu être év