
J'l'ai sentie péteuse. Dès le début. Dès le coup de fil du rendez-vous. Genre plus haut qu'son cul. Des sensations comme ça on sait pas pourquoi mais dès le départ y a un problème. Ce je ne sais quoi de suffisance, l'arrière-goût d'arrogance qui vous allume le clignotant. Clic-clac clic-clac !... Mais on l'donne quand même le rendez-vous ! Faut bien vivre !
V'là l'heure. "Bonjour-entrez-asseyez-vous". Elle fait l'apprentie aide soignante, à 35 ans, l'ascenseur social quoi. De celles parties de rien pour arriver à pas grand chose, qui n'ont de merci à dire à personne. Je m'suis faite toute seule. En haut de l'affiche. Du Pierre Dac, de l'Aznavour.
Alors le généraliste comprenez c'est faute de mieux maintenant. Maintenant, elle va à l'hôpital ! Elle met la blouse blanche et hop !... la v'là de l'autre coté, celui de ceux qui savent ! La blouse blanche ça vous transporte, ça vous maquille, ça vous envole. Avant vous étiez du malade potentiel, de l'assujetti social, du mortel quoi. Avec, vous v'là rendu soignant, sauveur de vie, éternel pour un peu. Dieu il doit enfiler la blouse blanche les jours où il veut se prendre pour lui. Ca l'aide.
Et elle voit même les professeurs à l'hôpital !! Elle les croise juste seulement, faut pas croire qu'ils lui causent quand même. Un professeur ça cause pas ça non, pas au personnel. Mais y a pas besoin qu'y cause le professeur. Juste saisir quelques mots, sentir l'ambiance... ça lui suffit. C'est qu'elle est pas conne l'aide soignante. Ça suinte !... Ça émane !... Ça dégage !... Ça dégouline le mépris du généraliste là-dedans. L'incapable !... l'incompétent chronique !... qui examine pas, qui voit pas la complication, qui donne pas le dernier traitement, qu'a pas fait le bon de transport...
Elle qui grimpe l'échelle sociale par force de sueur et de volonté, la v'là obligée à se plaindre à celui du bas, la racaille. Du généraliste !... Merde alors !... Pas l'choix. Encore heureux que c'est un Français !... Manquerait plus que ça !
Elle en avait pas conscience jusqu'alors, mais les professeurs ça vous ouvre les yeux, ça vous décille, ça vous dépucèle... Dans la vie y a ceux qui se bougent et y a ceux qui restent. L'important c'est de grimper. Et il se trouve bien en bas le généraliste justement. Pourquoi il se fatiguerait !... Fils de bourge qu'a jamais eu besoin de se baisser pour la ramasser. Pété de thunes à rien foutre, seulement râler. Pas comme elle !... Elle elle monte elle !... Ecartez-vous !... Laissez passer l'alpiniste sociale !... Bernard Tapie me voilà !!
Voulez-vous que je vous dise ? Le généraliste il la mérite pas l'Herzog du brancard, la Destivelle de l'urinal, voilà c'est dit. Alors forcément on va pas lui donner de la bonne maladie. De la gnognotte oui !... de la petite pièce !.... Du fifrelin !... Roupie de sansonnet !... Du mal de gorge ! Pas plus... V'là bien tout ce qu'il mérite hein !
"Mais âÂÂâttention ! c'est qu'il est atroce hein quand même le mal de gorge ! J'm'en débarrasse pas ça fait bien 15 jours, votre confrère d'avant ça a rien fait ce qu'il m'a donné, même les antibiotiques, rien du tout j'vous dis." Faut pas que ça soye trop facile ! L'emmerder un peu quand même le con.
Putain j'avais bon ! J'avais tout compris ! J'l'avais cernée ! Dès le début ! La première impression la bonne. L'emmerdeuse la vraie la pure. De l'estampillée, garantie CON Code !
C'est bon, au moins j'vais pas m'éterniser : "C'est-rien-ça-va-passer-prenez-du-chaud", d'habitude je leur dis ça aux "mal de gorge". Le minimum. Histoire de causer, faire comprendre que ça mérite pas de voir un médecin tout ça, qu'ils se débrouillent tout seuls la prochaine fois, qu'ils arrêtent de m'emmerder avec leurs conneries. C'est sûr ça fait pas tourner la boutique. Mais c'est comme ça, j'aime le sérieux le rare le croustillant, le chaud. Du quand ça coule ça geint ça chiale, ça craque.
Même des fois j'en rajoute. Quand l'ambiance s'y prête, le malade attentif, relation fourrée à l'HHHempathie je cause. La goutte au nez, blanche, jaune, verte, à pois rouge, clignotante, la toux grasse, sèche, ti quanti, le pet de travers... Ca passe tout seul vous en faites pas. Mais oui !... de l'éducation thérapeutique rien que ça ma brave dame et sans dépassement s'il vous plaît !... Faste dans ces moments là, le Bezolles, je vous le dis.
Cette fois j'décloque que dalle, juré. J'm'en débarrasse d'un coup, vite fait. Pffuit !... Interrogatoire, lapin d'icite ou d'ailleurs, allergie, stérilet, tabac, examen... Hop !... "Bon ben vous prenez deux jours de corticoïdes et ce sera terminé restons en là. Oui c'est ça. Au revoir madame c'est 22 euros et n'oubliez pas la carte vitale." Abana !
L'heure qui passe. Téléphone.
- "Allôôô... ?"
- "Je suis venue tout à l'heure..."
- "Ouiiii ?..."
- "Vous m'avez bien donnée du célazone ?..."
- "P'têt ben..."
- "C'est bien un anti-inflammatoire le célazone ?..."
- "P'têt ben..."
- "Et mon stérilet alors !!"
- "Alors quoi votre stérilet ?..."
- "Mais c'est contre-indiqué !!..."
V'là bien tout ce qu'il me faut pour fondre les plombs, péter la durite, décoincer la soupape, évacuer l'abcès, grande giclée. Allez y voir messieurs-dames, c'est gratuit ! L'autre patient il y était lui aux premières loges ! Fallait le voir se ratatiner dans son fauteuil, en face de moi, façon camembert trop fait, liquide.
- "Mais c'est qui qui vous a dit ces conneries chère madame ?" Suave.
- "Mais c'est mon gynécologue, le PrôÔôfesseur Y !"
- "Mais faut lui dire d'apprendre son métier alors au PrôÔôfesseur Y ! Et tant qu'à faire faut pas vous contenter d'y montrer votre cul au PrôÔôfesseur Y, faites-lui faire la gorge avec."
Ratatiné qu'il était le patient je vous dis. Disparu. Evaporé. Fondu. De la raclette en fait.
Il n'existe hélas aucun médicament contre la connerie, quel dommage...
RépondreSupprimerexcellent!
RépondreSupprimerj'ai parfois du mal à m'en débarrasser moi aussi.
Tous les corps de métiers ont leurs casse-couilles. En médecine , on en a pas mal.
Les balancer en groupe de pairs, à la fin, ca détend..
C'est vrai, on espère que par osmose, en fréquentant des gens de la haute on acquérera leurs manières, leur savoir et leur
RépondreSupprimer"intelligence". On en connait tous des comme ça.
Mais ils ne restent pas chez moi, ils vont chez le confrère à la cravate à côté qui connait des gens en vue, et qui a une belle voiture.
Je parie que vous ne mettez pas le costard-cravate et que vous ne faites pas de golf :)
Super ! Comme ça fait du bien de se lâcher, surtout avec les ignorants qui veulent nous apprendre notre métier, et qui parce qu'ils ont lu un article ou croisé une personne experte veut tout nous apprendre. Qu'ils se démerdent tous seuls !!!
RépondreSupprimerDe plus en plus Célinien ce blog....
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